Des vendanges plus précoces, une maturité plus rapide, des fermentations moins linéaires… Le changement climatique modifie en profondeur le processus d’élaboration du Champagne. Deux experts de terrain, Olivier Piazza (Episode 1) et Christophe Gerland (Episode 2), décryptent les transformations en cours et les réponses techniques mises en œuvre. Des rendez-vous qui s’inscrivent dans la dynamique du Pôle Champagne Vitalyance.

Christophe Gerland : “L’hygiène est aujourd’hui la première ligne de défense du style Champagne”

Pour Christophe Gerland, ingénieur microbiologiste, œnologue et formateur pour GEC, le changement climatique impose une vigilance accrue dans l’univers des fermentations. « Les moûts sont aujourd’hui plus sucrés, moins acides, et souvent plus chauds à la réception. Ces conditions favorisent une activité microbienne plus instable, parfois incontrôlable, si l’on ne prend pas les devants. »

La première réponse, c’est l’hygiène. « On ne peut plus se permettre la moindre négligence. Nettoyage rigoureux des équipements depuis le sécateur, des caisses jusqu’aux cuves, chaines de tirage et de dégorgement, maîtrise des températures dès la réception, gestion fine du sulfitage : chaque détail compte. Dans ce nouveau contexte, l’hygiène n’est plus une bonne pratique, c’est un garde-fou essentiel. Elle conditionne la réussite de toutes les étapes suivantes. » En parallèle, la maîtrise des levures devient stratégique. « Il faut sélectionner des souches adaptées aux caractéristiques du moût. Les raisins aujourd’hui ont une teneur en azote assimilable plus faible. Les levures doivent désormais être plus techniques, comme par exemple la Lachancea qui acidifie les vins, ou permettre de produire plus de SO2 pour ne pas faire de malo, et surtout sans générer de composés indésirables. Mais cette efficacité ne s’improvise pas, et doit s’inscrire dans une prise de conscience encore plus prégnante du changement climatique. »

Sans ces précautions, les risques microbiologiques s’accumulent. « Brettanomyces apparues en Champagne depuis 5 ans, bactéries lactiques en cas de vinification malo bloquée. L’environnement de cave doit être considéré comme un système vivant, à équilibrer en permanence.»

La formation joue un rôle crucial. « Les œnologues doivent désormais raisonner comme des microbiologistes de terrain. Il ne s’agit pas seulement de comprendre les fermentations, mais de les piloter avec rigueur et réactivité. Les gestes de base — nettoyage, prise de température, suivi analytique — doivent être systématisés. »

Pour Christophe Gerland, la clé réside dans la combinaison entre technique, prévention et pédagogie. « Le style Champagne, par définition, repose sur la précision. Pour préserver cette exigence dans un monde plus chaud, plus instable, il faut que l’hygiène et la microbiologie deviennent des priorités absolues. »

Christophe Gerland

Oenologue diplômé et Ingénieur en Microbiologie Industrielle et Appliquée. Ingénieur au CIVC en début de carrière, il rejoint ensuite Sofralab – Station Oenotechnique en tant que responsable R&D, puis directeur technique, responsable Biotechnologies. Il crée en 2003, INTELLI’OENO, spécialisée en microbiologie des vins, analyse sensorielle, défauts et qualité des vins, pour accompagner de nombreux laboratoires et domaines en France et à l’étranger.

Cet article a été réalisé dans le cadre d’une collaboration commerciale avec Vitalyance, le pôle Champagne du Groupe Cérésia.