Des vendanges plus précoces, une maturité plus rapide, des fermentations moins linéaires… Le changement climatique modifie en profondeur le processus d’élaboration du Champagne. Deux experts de terrain, Olivier Piazza (Episode 1) et Christophe Gerland (Episode 2), décryptent les transformations en cours et les réponses techniques mises en œuvre. Des rendez-vous qui s’inscrivent dans la dynamique du Pôle Champagne Vitalyance.
Olivier Piazza : “Le changement climatique modifie profondément le raisin, donc le vin”
Pour Olivier Piazza, ingénieur-agronome, œnologue et responsable du pôle Coopératives chez GEC, le réchauffement climatique n’est plus une hypothèse, mais une donnée objective. « Les tendances observées depuis 2003, les 1ères vendanges en août en Champagne se confirment : des périodes de sécheresse plus marquées, des vendanges de plus en plus précoces, des pics de chaleur en pleine véraison. Tous ces paramètres bouleversent le cycle de la vigne, mais aussi la composition du raisin. »
Aujourd’hui, les raisins arrivent à maturité plus rapidement, avec une concentration en sucres plus élevée et une acidité qui décline. « On voit une hausse des degrés potentiels et des pH, avec un recul progressif de l’acidité malique, et parfois un retard de maturité polyphénolique. Les grappes sont plus grosses, avec un record constaté de 220 g en 2023 contre une moyenne d’environ 110 g. C’est un vrai défi pour un vin comme le Champagne»
« Sur la même période, on observe aussi certaines années, des pluviosités extraordinaires en Champagne comme en 2024 avec toutes les conséquences que cela suppose sur le plan phytosanitaire et maîtrise de l’enherbement… »
Face à cette évolution, les viticulteurs et coopératives doivent réinventer leurs pratiques culturales. « Il ne s’agit pas de tout bouleverser, mais de mieux anticiper. On travaille sur la gestion du couvert végétal, la réduction du stress hydrique, l’orientation des rangs, la hauteur de feuillage, la sélection variétale… Des leviers agronomiques concrets existent pour mieux piloter la maturation. » Une réflexion par ailleurs que porte activement le Pôle Champagne Vitalyance auprès des coopératives et domaines champenois, afin d’accompagner concrètement la filière.
Mais la clé reste dans la cohérence globale du processus. « Ce que nous vivons impose un dialogue renforcé entre le vignoble et la cave. Ce n’est plus une logique linéaire. Il faut récolter plus tôt, avec des critères analytiques et sensoriels adaptés à ces nouveaux équilibres.»
Et le style Champagne dans tout cela ? « Il n’est pas figé. L’erreur serait certainement de le sacraliser. Il s’est toujours réinventé. Le style repose sur une recherche d’équilibre, de finesse, de fraîcheur. Si les conditions changent, les outils changent aussi : les vins de réserve, les décisions d’assemblage, la fermentation malolactique ou non voire partielle, le dosage, les levures… Tout cela nous permet de préserver cette signature. »
Pour Olivier Piazza, le changement climatique agit comme un accélérateur de transformation. « Il faut que la Champagne continue de se poser les bonnes questions. Elle en a la capacité, car elle a toujours su allier tradition et innovation. »
Olivier Piazza
Homme du vin passionné par la Champagne. Depuis 1989, il a successivement occupé diverses fonctions d’adjoint au Chef de Caves puis de Chef de caves dans diverses maisons. Il s’est aussi investi de nombreuses années dans le monde coopératif champenois en tant que directeur d’une belle coopérative locale dynamique sur les marchés export.
Cet article a été réalisé dans le cadre d’une collaboration commerciale avec Vitalyance, le pôle Champagne du Groupe Cérésia.